16/08/2020   –    Cabane d’Anglus => Pene de Lespade

Jour 36: “À une époque où tout est de plus en plus planifié, programmé, organisé, pouvoir se perdre sera bientôt un délice et un luxe exceptionnels. » – Gaston Rebuffat
Point culminant : Col de Saoubathou (1 949m)
Distance : 20,6m
Temps : ~>7h

Premier réveil en vallée d’Aspe, avec sa petite brume classique et sa fraîcheur. On y voit à 20m.

On quitte rapidement la forêt et la bouillasse en direction du refuge d’Arlet pour le déjeuner.

Quelle agréable surprise de croiser une cabane de berger sur la route. On se leste de deux bons kilos de fromages de brebis et de vache, produits sur place. Ces fromages sont vendus jusqu’aux halles de Bayonne.

Trois énormes cochons sont échoués au milieu du troupeau de brebis.

Nous croisons deux familles avec des mules. Dans ce coin là, on peut louer une mule pour randonner sur des boucles d’un ou plusieurs jours. J’imagine l’état des lieux d’entrée et sortie de location.

Leur attelage permet une meilleure autonomie et « ça fait plaisir aux enfants », excuse valable pour le dos des parents. Bon, là, une des mules paraît avoir trouvé un spot qui lui plaît et broute depuis un bon moment.

Le temps d’acheter du fromage et de passer de l’autre côté du vallon et elle n’a pas bougé. La famille non plus du coup.

On déjeune tardivement face au lac d’Arlet, festin fromagé. Et pour le coup, le vache sent bien bien la vache …

Tout est très calme, en même temps c’est l’heure de la sieste, et les patous l’ont bien compris, encastrés contre le refuge, la tête posée sur leur propres babines.

Pas de sieste pour nous, mais une longue crête qui nous attend.

L’idée c’est d’aller dormir près d’un lac à côté espagnol, l’Ibon de Acherito. La brume nous enserre, puis se retire, puis revient, puis se retire, puis revient …  Le paysage au loin, notamment le Castillo de Acher, offre un panorama dingue, un énorme donjon massif, mais très temporairement.

La brume et le mauvais temps annoncé vont nous contraindre à abandonner le bivouac au lac et rester plutôt côté français. Nous quittons le GR11 pour basculer vers une vallée et nous y perdre, depuis le col de Saoubatou, qui nous permettra de rejoindre Lescun.

Stoppés par la brume, et l’humidité latente, nous nous arrêtons au milieu d’un vallon et décidons de camper face à une immense paroi calcaire.

Les deux cabanes, un peu plus haut, sont réservées, l’été, aux bergers.

 


 

17/08/2020   –   Pene de Lespade => Cabane de Lacure

Jour 37: “Au fond d’une vallée, le temps passe plus lentement qu’au sommet d’une montagne » – Hubert Reeves
Point culminant : Cabane de Lacure (1654m)
Distance : 19,1m
Temps : ~7h

Le réveil, au pied de cette magnifique falaise, est extrêmement humide.

C’est compliqué de faire sécher la tente, on est pas forcément très pressés, mais le Soleil n’arrivera que tard sur notre spot aussi encaissé.

Un peu de café, un peu de fromage, on remballe tout et on démarre cette douce piste de descente qui nous ramène jusqu’au Berlingo, suivant les traces blanc-rouge-blanc et la piste des bergers.

J’avais pour objectif initial la Table des Trois Rois en vallée d’Aspe et les cabanes d’Ansabère.

La brume les enserre et on ne les verra, lors de la descente, que pendant 5mn.

Après une halte revigorante et gastronomique à Lescun, nous nous baladons dans le village, plutôt calme pour une saison estivale. Nous prendrons finalement par le vallon de l’Abérouat ( où je prends un énorme coup de vieux en repensant aux classes vertes de l’école primaire … ).

Le sentier est relativement abrité, passe sous les orgues de Complan, et laisse de temps en temps, entrevoir la majestueuse face du Billare.

Nous passons par le rocher école où je suis persuadé d’avoir grimpé petit, pas très rassuré dans mes souvenirs.

Une petite descente vers la clairière toute mignonne de la Mouline nous permet d’enjamber le ruisseau et rejoindre la dernière montée vers la cabane.

Nous découvrons ce bijou absolu, bien conseillé par l’expert du coin Jean de la Dourne. Cette cabane est dingue, que ce soit à l’intérieur ou même, de par la vue qu’elle propose. Elle sert de camp de base à des guides pour des excursions mais ce soir-là, par chance, elle est libre.

Le lendemain,  nous attend la pyramide minérale du pic d’Anie (2504 m ), antre de Jaunagorri, une des créatures de la mythologie basque, qui peut se mettre en colère et déclencher de violents orages.

On espère le caresser dans le sens du poil.

On monte un peu au-dessus de la cabane, pour apercevoir, déjà petit, derrière nous, l’Ossau. Les nuages donnent une ambiance de peinture.

Le temps d’allumer un feu, Rouby monte au pas de course, pour passer la soirée avec nous.

Le coucher de soleil et le flamboiement des Orgues ne sera malheureusement pas aussi intense qu’espéré pour la photo.

Les victuailles et surtout la bonne compagnie font extrêmement plaisir.

Merci.

 


 

 

18/08/2020    –    Cabane de Lacure => Cabane de Féas

Jour 38: “Face à la roche, le ruisseau l’emporte toujours, non pas par la force mais par la persévérance. » – H. Jackson Brown
Point culminant : pic d’Anie (2504m)
Distance : 25,9m
Temps : ~9h

Le lever de soleil est lui aussi très gris, je fais une bise à Rouby qui file au travail à toute berzingue. Oui. Berzingue oui. A minima.

Je me recouche pour une grasse matinée jusqu’à bien 8.30 !!!

Le plein d’eau et en avant vers le pic d’Anie.

Première difficulté qui survient tôt dans l’étape, traverser un troupeau de brebis qui s’est étalé sur une longue partie du chemin et l’obstrue sur tout le plateau.

Aucune ne bouge, deux trois bêlent, d’autres nous toisent, une se met à lâcher son chapelet de crottes en nous fixant droit dans les yeux. Le patou décide de quand même venir vérifier ce qu’il se passe, par obligation contractuelle sûrement, dérangé dans sa première sieste du matin. Il s’approche, on se fige.

Arrivée à deux mètres de nous, il nous renifle, nous jauge, s’approche doucement et s’allonge les 4 fers en l’air. On s’aperçoit que c’est une femelle et elle a autant envie de se faire câliner que nous de la câliner. Une peluche géante. En vachement plus mignon encore.

Après dix bonnes minutes de câlin intensif en relais et parfois à 4 mains, on parvient à quitter les pâturages pour du minéral. De la caillasse et de la crevasse à perte de vue. La glace a façonné cette zone, appelée les Arres, et a formé des cannelures, des immenses crevasses et un environnement où il est difficile de progresser rapidement. Non seulement parce que c’est paumatoire, dangereux, délicat mais surtout que parfois il faut faire un détour assez long.

La fin est comme un colimaçon autour de la base du pic. On choisit de planquer le sac et de monter en léger.

On enjambe des cailloux pour passer du sentier pierreux au pierrier final.

La vue est dégagée à 360 … 180 degrés.

La vallée d’Ossau et son pic sont complètement dans les nuages, on ne distingue même pas les aiguilles d’Ansabère ni la table des Trois Rois …

Par contre, au fond, je vois l’Océan, pour la première fois depuis mon départ d’Hendaye.

La fin se rapproche, en témoigne la petite silhouette de la Rhune, dernier sommet, au loin. Enfin, ça se rapproche, mais il y a encore quelques 200kms …

Laure reprend la route inverse et de nouveau je prends cap plein Ouest pour continuer vers le col de la Pierre Saint Martin.

Je suis sûr que si elle recroise le patou, je finirais mon étape avant elle. Et elle la recroisera.

Je me retrouve de nouveau un petit point au milieu des Arres ( ou lapiaz, ou karst ), ce désert accidenté calcaire. La progression est lente, les pieds ne sont jamais à plat, oui alors sur des tranches coupantes. Il faut être très vigilant.

Les pluies s’engouffrent dans les crevasses pour fabriquer un des plus gros réseau sous terrain d’Europe.

Cette zone est parfois appelée l’Everest sous terrain. Un paradis pour les spéléologues. 

Avec -332m de vide dans une des entrées, le record du monde de la plus grande verticale absolue fut établi, une cinquantaine d’années auparavant.

La priorité est de quitter cette zone avant qu’un éventuel brouillard ne se lève et m’emprisonne.

Un bivouac improvisé dans cette zone, va être d’un confort plus que relatif, à moins d’être ascendant fakir.

Peu à peu, je descends en altitude, avec en ligne de mire, un peu de verdure et des pins à crochets.

Petit détour par le pic d’Arlas pour se donner une vue sur la station de ski de la Pierre Saint Martin, version été. Une station de ski l’été quoi …

Je n’y descendrai pas et modifierai mon itinéraire initial pour revoir les gorges de Kakuetta et la passerelle d’Olzarte, visitées quand j’étais petit et dont j’ai très peu de souvenirs.

Après avoir acheté 2€ un litre d’eau du robinet à une vieille dame extrêmement inhospitalière, je finis ma journée à la mignonne cabane de Féas.

Un troupeau de vaches a décidé de venir passer la nuit dans le jardin de la cabane et ça tinte fort.

L’effort et le sommeil ont raison du bruit.

Je dors comme une masse.

 


 

19/08/2020    –    Cabane de Féas => Logibar

Jour 39: “Il semble qu’il y ait toujours de bonnes raisons pour faire les mauvais choix.  » – Olivier Norek
Point culminant : Cabane de Féas (1520m)
Distance : 26,1m
Temps : ~9h

Réveil et descente vers Saint-Engrâce pour une portion de GR10 et donc Kaluetta et Olzarte. L’IDEE DE MERDE, encore plus que le tapis de sol en accordéon.

Finis les sentiers buccholiques, place au bitume et au pistes caillassées en bord de prés. LEU ! RAI ! GAL !

Une cascade d’idées de merde même.

Avec d’abord, lors de la descente, mes yeux qui se posent sur un panneau ‘La Verna => ’. Depuis que j’en entends parler, je me dis que faire le détour et visiter cette immense grotte ( où un vol en montgolfière a été fait dedans quand même). Je m’engage, remontant dans un ravin encaissé, ou gisent encore des tuyaux, des morceaux d’échelles. Je sais pas qui prend ce chemin ou combien le prennent en un an mais c’est atroce, glissant, pénible, glissant et atroce.

Je finis sur la piste bitumée une bonne demi heure pour trouver la porte close au début de la Verna. Je pensais qu’on pouvait y accéder en solo, mais sans réservation, c’est impossible. 2h de marche pour rien. Je suis pas suffisamment en porte en ferraille pour valoriser cette rencontre.

Je descends sur Saint-Engrâce pour déjeuner et repars sur cette magnifique Départementale 113. Après quasi 1h près des voitures, j’arrive à Kakuetta, pour trouver gorges closes, ce dû à un accident la semaine précédente …

La fraîcheur des gorges aurait fortement contrasté avec le soleil de plomb. Deuxième échec.

Je continue donc à suivre les traces blanches et rouges, toujours sur du bitume ou sur des pistes, pendant pas loin d’une éternité.

Peu d’ombre, je me dessèche petit à petit, à mesure que les kilomètres passent. La gourde sur le côté de mon sac, pleine gagne devient petit à petit de la tisane. La seule bonne surprise durant ces quatre heures sera un énorme bosquet de mûres, parfaitement mûres.

Puis de la piste, encore de la piste, j’ai de la chance de croiser un kayolar ( ferme locale ) où je peux récupérer de l’eau.

Je vois derrière moi la saignée que forme kakuetta dans cette colline toute arrondie. Sacré coup de hache.

Passé un petit col, je vois le chemin que je dois emprunter 400m plus bas, et qui fait d’abord un immense détour car la pente est trop abrupte. J’en ai marre, m’en soit témoin, l’audio enregistré à ce moment-là sur mon téléphone. Autant sur le fond que sur la forme, on sent la poésie du mec à bout.

Je sors l’IGN et regarde les lignes de niveau. Par la forêt, un peu plus loin, je dois pouvoir couper tout droit vers le chemin plus bas, sans trop subir la pente. Nouvelle idée de merde.

La pente glisse, tellement les feuilles mortes se sont entassées, la progression est pénible et dangereuse.

Je me retrouve sur des terrasses beaucoup trop abruptes et je dois souvent rebrousser chemin et remonter. Bon au moins, je suis à l’ombre.

Après 40 minutes de lutte, je retrouve le sentier et peux profiter d’une proximité avec le torrent pour me rafraîchir les idées.

J’arrive quasi au coucher du soleil, complètement rincé, sur la passerelle d’Olzarte. Alors c’est très beau et impressionnant, mais à ce moment là, j’ai pas forcément l’énergie pour apprécier pleinement.

Il me reste la descente finale vers Logibar, en bord de torrent dans la pénombre. Je cherche désespérément un endroit plat où poser ma tente.

Pris par la nuit et par une envie de batailler proche de zéro, je pose ma tente sur un endroit le plus plat possible pour une nuit aussi nécessaire qu’inconfortable.

Franchement, je regrette ce choix de trajet, si long et si chiant. Mais bon. On peut pas n’avoir que des journées chouettes. Ça me confirme bien que je ne suis pas trop fait pour le GR10.

 


 

20/08/202    –    Logibar => Urkulu 

Jour 40: “Il est des mondes où le vent naît et meurt. Vient, disparaît. Selon les jours, selon les heures. Si un pareil monde existe, aimer (ou ne pas aimer) le vent y a un sens : on peut comparer. Mais ici ? Qui se plaindra qu’il y a des nuages au ciel et de la terre pour nos pieds ? Puisqu’ils ont été là, toujours, qu’ils y sont et y seront éternellement. Le vent est, il est là. Alors je la ferme et j’en bouffe.  » – Alain Damasio – La Horde du Contrevent.
Point culminant : Pic d’Orhy (2017m)
Distance : 27,1m
Temps : ~9h

La nuit a été rude. Le réveil est difficile.

Je replie la tente, et part me réveiller dans la rivière fraîche. Mon petit orteil droit, lui, décidera de me réveiller avant, en saluant d’une bonne grosse bise un bon gros caillou.

20 minutes plus tard, je suis devant l’auberge où j’attends son ouverture, et l’arrivée de Bastien.

Le petit-déj’ et quelques étirements finissent de me réveiller. J’ai encore en travers l’étape de hier et j’espère que les étapes suivantes seront plus sexys.

Tout est très calme. Soudain, une voiture et un sourire arrivent, il est temps de faire ma première rando avec Bastien, et ce sera le pic d’ Orly, qu’on voit de chez lui !

Plus nous nous approchons du port de Larrau, et plus le vent devient puissant.

On peut apercevoir quelques sentes qui desservent un chapelet de palombières le long de la montée.

Très vite ces sentiers s’arrêtent et nous montons plein fer, droit vers la première épaule. Le vent s’accentue à mesure que nous montons. Arrivés sur l’épaule, avec la prise au vent que m’offre mon gros sac et mon matelas accordéon ( quelle idée de merde ) , je me fais éjecter et roule sur quelques mètres. On est à la moitié de l’ascension et on se pose des questions. J’ai jamais subi un vent comme ça, et j’ai perdu 5kgs quand même …

En observant les gens au sommet, on n’a pas l’impression qu’ils se font cartonner tant que ça par le vent. Courageux et un peu cabourut’, on décide de braver ce vent et d’y aller. Une demi-heure plus tard, nous voilà en haut, en compagnie d’une quarantaine de personnes affairés à faire des selfies. Le vrai sentier est de l’autre côté du pic, bien plus facile, bien plus abrité.

Nous trouvons un petit ressaut où s’abriter du vent et pouvons entamer le gargantuesque pique nique que m’a préparé Bastien.

La fraîcheur de la petite salade, la douceur du jurançon, le foie gras et le gâteau basque. Il avait l’air de peser lourd son sac oui … 

Deux petits vieux, derrière nous, passeront une demi-heure à se demander si dans le second vallon, c’est bien les chalets d’Iraty qu’on voit ou pas. Et ça les étaient. Malgré le fait de leur confirmer, ils se questionneront encore, et peut-être au moment précis où vous lisez ces quelques lignes, le mystère reste pour eux très épais.

Ces chalets devraient être mon point final de l’étape mais, connaissant déjà, je prends le pli de ne pas faire un crochet par ces chalets et de filer tout droit en direction de l’étape suivante. 

Je sais pas si c’est le vent, le poids du sac, ou le jurançon, mais la reprise de la marche tangue pas mal.

Une dernière accolade, et je vois Bastien rebrousser chemin, je me dirige vers l’ouest. 

La crête aérienne qui m’attend est plutôt impressionnante, sans être difficile.

Quelques minutes après, je dois m’arrêter pour panser tous mes doigts de pieds. J’ai assez d’ampoules pour garnir une cabine à UV.

Mes pieds fatiguent, les chaussures aussi, les semelles et les côtés commencent à partir en lambeaux, et les deux paires de chaussettes emmenées sont rincées. En même temps, je dois pas être loin des 700 bornes …

Je m’enfonce dans la forêt d’Iraty, direction les Aldudes, un endroit où je compte me ravitailler. D’en haut, j’ai pu voir l’ampleur et la densité de cette forêt et je vais pouvoir bénéficier de la fraîcheur et de l’ombre pendant de longs kilomètres. La forêt d’Iraty est la plus vaste forêt de hêtres d’Europe. Et apparemment, il y a des loutres !

Au Pays Basque, et ce donc jusqu’à la fin, les kilomètres seront relativement identiques. Quand je ne suis pas dans la forêt, je dois monter et descendre des collines, ou les contourner. Et il y en a tout le temps, très peu de passages vraiment plats.

La plupart du temps, dans des fougères et le piquant des ajoncs. L’image est belle, mais c’est très long.

Alors, je monte, je descends, je contourne, de colline en colline, jusqu’à une ferme, peu après le mont Urkulu. Je suis accueilli par une horde de poulets et de porcelets tellement mignons.

Je pose mon bivouac pas loin de là, près d’un ruisseau, pour une douche bien méritée et un repos des panards.

J’avoue que depuis l’étape du Pic d’Anie, je m’ennuie un peu, ce n’est plus vraiment de la montagne. Une partie de moi a vraiment hâte de la fin ( les pieds en font partie ). 

 


 

La suite ici : https://damienferbos.fr/hrp-8-pays-basque/

 

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