Et voilà, l’aventure est terminée…

Et donc, le retour à la réalité.

Et la réalité à ce moment-là, sans rentrer dans les détails, était pas la plus fofolle et le retour a été compliqué. La parenthèse aventure s’est refermée très brusquement. Trop.

Je me suis rendu compte que ce mois et demi au-dessus des nuages, en mouvement, la tête et le corps dans les montagnes, avec pour simple but de marcher, de respirer, de contempler, de profiter de l’effort physique avait été non seulement un plaisir salutaire, mais peut-être aussi une recherche de bouffée d’air frais plus générale dans ma vie.

C’est ce genre d’aventure exceptionnelle, suffisamment longue pour démarrer une nouvelle routine, un nouveau quotidien. Mais la fin fait peut-être encore plus resurgir ce qu’on a tant voulu fuir ou remettre à plus tard.

Je pense que c’est pour cela que je me sentirais aussi vide sur cette plage d’Hendaye et que je mettrai autant de temps pour retrouver l’envie de me replonger sur les photos, sur cette aventure et sur ces écrits.

Je me rends compte que ce n’est pas facile d’écrire son ressenti et de rendre ça ludique, sur quelque chose aussi personnel ou intime.

Comme évoqué auparavant, je me rends compte aussi que j’avais besoin d’une grosse période d’introspection et que je n’étais pas entièrement disponible pour partager pleinement un morceau.

Cette expérience m’aura prouvé des choses physiquement, m’aura fait grandir aussi un peu psychologiquement, m’aura confirmé ma passion pour ce genre d’aventure. J’aime ce genre de simple phrase « Tiens, je vais traverser les Pyrénées à pied » qui entraîne toute une imagination, une mise en place logistique et une aventure à proprement parler.
L’écriture de ce récit, le traitement des photos et le recul que je pourrais prendre sur cette traversée, m’auront aussi permis de beaucoup grandir et de comprendre pourquoi je m’éloigne au-dessus des nuages pour mieux affronter le quotidien du dessous.

J’ai l’impression de n’avoir fait que parler de bouffe, et l’itinéraire, mais c’était vraiment mon quotidien.

Si le GR10 lui est figé, j’ai l’impression que la HRP est plus permissive, plus personnelle.

J’aimerais vraiment savoir le nombre total de calories avalées et brûlées.

J’ai fini avec une paire de pompes complètement déchiquetée, des chaussettes en lambeaux, plus de 2h de vidéo, plus de 2000 photos et un total de 9 kg en moins.

Le lendemain de cette étape finale, le corps ne subit aucune douleur. Frais comme un gardon.

Le surlendemain, par contre, je le sentais pas arriver, j’ai eu l’impression d’avoir pris 200 ans. Les genoux en vrac, les plantes de pieds, sur-enflammées ont doublé de volume, l’aponévrose est aussi large qu’un tapis de sol qu’on a gonflé au max.

Je pense que le corps a reçu le message que les efforts intenses et quotidiens étaient finis et qu’il peut enfin passer du mode « j’encaisse » au mode « je guéris ».

S’il y avait eu d’autres étapes, j’aurais pu largement continuer, sans me rendre compte de cette douleur là. Mais il faut savoir écouter son corps et mes pieds repoussaient ce message.

Ça a été aussi délicat de finir cette aventure d’un mois et demi et une heure après la fin se retrouver dans la chambre dans laquelle j’ai grandi.

Je reste convaincu que cette HRP a été le meilleur choix d’itinéraire pour moi car le GR10 emprunter me semble vraiment beaucoup trop monotone, trop bitumé et pas assez sauvage.
Je reste aussi convaincu que c’était le bon choix de prendre cet itinéraire de l’Est vers l’Ouest, au niveau parcours et dénivelé.

Je n’ai pu que constater au final que j’aurais préféré me diriger vers l’inconnu, connaissant bien le Pays basque. La fin à Banyuls, le fait de pouvoir prendre un petit sas final encore dans un peu d’inconnu, m’aurait permis de finir plus sereinement et d’atterrir plus facilement.
Peut-être plus prendre le temps plutôt que de replonger illico dans ma vie bayonnaise de l’époque.

J’ai l’impression aussi de n’avoir pas dressé le portrait du Pays Basque qu’il mérite, et d’avoir trop souligné la monotonie de ses collines. J’entends souvent « la montagne à vaches ». Peut-être parce que je l’ai déjà beaucoup sillonné, mais surtout, je pense, par l’aspect monotone de ce trajet. Aussi par le fait que les huit dernières étapes se ressemblent beaucoup, et que j’ai déja, bizarrement, ressenti deux fins, une à Gavarnie et une au pic d’Anie.
Ça me fait penser à la trilogie du Seigneur des Anneaux. La fin est longue, l’image est belle mais l’action est déjà loin derrière.

Je m’excuse aussi auprès de toute la race bovine, j’espère qu’aucune vache n’a été choquée par les portraits que j’en ai faits.
Je trouve ces animaux plutôt mignons mais on m’enlèvera pas de l’idée que leur regard leur confère pas un air de génie.

Merci à tous ceux qui ont pu participer de près ou de loin à ce projet, que ce soit par leurs conseils, leur présence, leurs encouragements, leurs ravitos, leurs accueils si bienveillants dans les refuges, leurs infos postées sur les internets ou leurs questions.
La liste serait longue et mes excuses à ce que j’oublierai, mais merci à ma famille pour ce long éveil à la montagne et au sport, merci à Mathieu pour mon si beau et premier 3000 face au Mont Perdu, merci à Rouby, Geof & Tita, Igor, Bert pour ces escapades pyrénéennes et Sud Américaines et le premier 4000, merci à mon Petit Printemps éternel pour ce rêve éveillé au Népal et le premier 5000, merci à Gilles pour son assistance, l’Aneto et ce marathon Gavarniesque, Margot, Laure et bien d’autres …

Pour moi, la fierté a mis longtemps à venir. J’estime juste que j’ai fait une longue randonnée et que c’est quelque chose de relativement nominal, peu exceptionnel.

Une fois quelques stats posées dessus, le recul pris, le traitement des photos, l’écriture de ces épisodes, j’avoue qu’en plus d’être heureux d’avoir accompli ce projet, je suis reconnaissant de la chance d’avoir pu le faire, je suis fier et je le conseille.
Il est nécessaire d’imaginer et vivre des aventures. Quelle qu’en soit la raison, quelle que soit l’aventure.
Est-ce qu’on a vraiment besoin de raison pour aller marcher à la montagne ?
Est-ce qu’on a vraiment besoin de raison pour commencer une aventure ?
Est-ce qu’on a vraiment besoin de raison pour imaginer ou rêver ?

 

En discutant avec quelques figures de cette montagne, j’ai pu vraiment apprendre, comprendre, imaginer, que ce soit des personnalités, des rythmes de vie, ou approfondir mes observations du comportement des animaux, le charme de certaines vallées, le caractère parfois précaire de certains métiers de la montagne.
Chacun à notre échelle, nous sommes tous témoins de la fragilité de cette montagne et du changement trop rapide qu’elle subit.
Il suffit de regarder les traces de bronzage que le manque d’eau laisse sur les barrages, les lacs, le flot parfois beaucoup trop fin de certaines sources, les portions déboisées, le manque de respect de certains vacanciers par rapport à la montagne et à ses règles, et les kilos de plastique que j’ai pu ramasser sur mon passage.
Je suis très fier d’être Pyrénéen et je chérie le charme de ces montagnes et les possibilités de randonnée, de baignade, de ressources, d’émerveillement, d’escalade, qu’elle nous offre.
Je suis humblement fier d’avoir pu poser mes yeux sur toute cette chaine, en espérant que les photos lui rendent un bel hommage.
Si il avait manqué un petit quelque chose, clairement, c’était le portrait de deux oursons en plein jeu sous le regard d’une maman massive et bienveillante.

C’est quand même plus facile dans les parcs nationaux des Asturies.

 

C’est tellement mieux la randonnée, quand les seules traces de passage qu’on puisse observer sont les empreintes des animaux.

Le plus humblement du monde,
Merci les Pyrénées.
Je vous aime.

 

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