02/08/2020 – Refugi de Mulieres => Besurta
Jour 25: “Le chemin est long du projet à la chose.” – Molière.
Point culminant : Tuc de Mulieres (3009m)
Distance : 13.1km
Temps : ~8h
Trois heures après mon réveil et sa traditionnelle routine, que j’ai pris bien gentiment aujourd’hui, je m’attaque à la cheminée finale pour accéder à la crête du Tuc de Molières, à encore une bonne centaine de mètres du sommet.
Je sais pas si je vous l’ai dit, mais cet endroit n’a rien à voir avec l’auteur.
Bref, cette cheminée a l’air plus facile à monter qu’à descendre. Avoir quelques notions d’escalade rassure un peu, sur le choix du chemin et l’engagement de quelques passages. Rien de difficile en soi, mais il est important de prendre le temps, bien poser les mains et les pieds et rester concentré.

Arrivé à la moitié, je lève les yeux pour me hisser sur une corniche et …. je reçois un chien dans mes bras, une femelle Boston Terrier, toute rigide. Elle aussi, avec son maître, traverse le Val d’Aran. Sur le moment, la queue plaquée au ventre, elle est pas hyper enthousiaste. Elle est toute figée en attendant que ça se passe, et son regard ne traduit qu’une chose, l’envie d’être en bas de tout ça tout en ne sachant pas quoi faire.
Je la rends à son propriétaire qui réapparaît plus bas et je finis cette crête aérienne, les yeux rivés vers l’Aneto, juste en face, que je vois pour la première fois d’aussi près.
Sur son glacier, quelques silhouettes en file indienne, comme des fourmis, vont fouler dans peu le toit des Pyrénées et son Pas de Mahomet.
Au sommet, je me pose quelques heures, car la vue est trop belle, de tous les côtés. Une mer de nuages, des lacs, quelques sommets connus de la Bigorre qui se rapprochent, et surtout lorsque je me retourne, je peux apercevoir les cols franchis et les sommets lointains. Je ne vois plus la Méditerranée. Je suis pas loin de la moitié de mon périple. Physiquement, je sens que les genoux couinent un peu parfois, mais musculairement, c’est correct. Le moral est au beau fixe. Les chaussures et les chaussettes commencent à fatiguer.
Quasi au plus haut et au point central de la chaîne, je constate à quel point c’est une dorsale relativement fine, comparée aux autres massifs montagneux que j’ai pu arpenter. Côté Nord et Sud, on aperçoit rapidement les grandes plaines françaises et espagnoles.

Une longue et nuageuse descente dans les cannelures d’une immense dalle gris clair et sur les vestiges de l’ancien glacier, me mène à la Besurta. Bière et Coca direct, en compagnie de deux randonneurs venants d’Hendaye. La prochaine difficulté notoire, le col de la Literolle passera finalement facilement sans crampons ni piolet. Ils ont l’air dans le même état que moi, idem pour leurs chaussures.

La dernière section, proche du parking, offre une vue sublime sur un tout petit canyon depuis quelques belvédères. Je descends dans ce canyon, qui offre un coin de fraîcheur pour profiter de l’eau, pour me refroidir, mais la vache désarticulée 20m plus haut à moitié décomposée dans l’eau me refroidit …
J’installe mon bivouac un peu plus bas, parmi les marmottes, en entendant le va et vient des navettes qui ramènent les familles à l’Hospitalet.
Je réfléchis à profiter de l’occasion pour gravir l’Aneto mais c’est un peu compliqué, ça changerait pas mal la logistique et je n’ai pas le matériel nécessaire.
La pour le coup, les crampons et piolets sont indispensables.
J’y reviendrai en 2021 pour une randonnée épique et sublime, en compagnie de Gilles, mon hôte Gédrois, me donnant un point de vue différent sur cette section de HRP.
Je suis content de ne pas avoir rajouté un tel effort à ce moment-là de ma traversée, ça aurait sévèrement piqué le lendemain.
L’itinéraire n’est pas compliqué ni trop technique, mais long et paumatoire à certains endroits et les pierriers paraissent interminables.
Je passerai la tombée de la nuit à scotcher sur une immense fourmilière, proche de ma tente, fasciné par ce mouvement non stop.

03/08/2020 – Besurta => Refuge du Portillon
Jour 26: “Qui marche dans la neige ne peut pas cacher son passage.” – Proverbe Chinois.
Point culminant : Tozal del Remuñe (3041m)
Distance : 14,6km
Temps : ~7h
Réveil toujours au sifflement des marmottes, suivi de 20mn de marche et d’un énorme petit déj à Lhospitalet de Benasque.
Je croise des viennoiseries qui viennent de sortir du four et deux Aveyronnais qui viennent d’arriver du col du Portillon. S’ensuit un nouveau briefing rassurant sur mon étape de leur part.
Je quitte le GR11 pour rentrer en France, suivant le barranco de Remuñe et ses marmites.

La pause fait envie, mais cette étape est longue et forte en dénivelé, pas trop le temps de traîner.
Direction le col de la Literole en remontant une vallée très escarpée et le bivouac au refuge du Portillon.
Sur la crête, énormément de cairns sont visibles, très éparpillés et il m’est difficile de trouver le bon chemin. Je sais juste que les névés à franchir ont les traces toutes faites.
Pensant que j’arrive à la Literole, suivant des cairns de plus en plus discrets, je poursuis mes efforts et finis par arriver au dernier névé accessible avant un gros à-pic.
Le névé est vierge, avec juste quelques traces de sabots d’isards. Alors c’est hyper beau, mais ça m’arrange pas des masses des masses …
Pour couronner le tout, les nuages montent de la vallée et me submergent. Je suis (pas loin d’être) paumé et le GPS ne s’y retrouve pas non plus. Au-dessus de moi, pas si loin, je pense apercevoir un sommet qui a l’air accessible par une cheminée, je progresse et finis en haut du Tozal del Remuñe (3041m) … Sans encore trop le savoir.
Les nuages se dissipent au bout de 10mn où j’attends, assis.

J’aperçois le col de la Literole bien plus loin, je me localise enfin. Je vois ses fameux névés, son lac glacé turquoise et le gros déversoir bleu nuit fluo ( Ibon blanco de la Literola). J’ai rarement vu une teinte de la sorte et un éclat aussi intense. La vue est incroyable et rassurante, le chemin est identifiable et correct.
Une heure plus tard, je suis en haut du col de la Literole, avec une vue imprenable sur ce chapelet de lacs. Dingue. Aucun passage technique finalement, la chaleur du jour et le fait que je passe en milieu d’après midi font que la neige est tassée et praticable. Juste ne pas se précipiter, au risque de quand même finir 150m plus bas.
La descente vers le refuge du Portillon sera interminablement longue.
Et pourtant, on voit le refuge quasi depuis le col ! C’est un peu le problème d’ailleurs, quand on voit l’objectif depuis très loin, on se croit arrivé … on pense que ce n’est plus très loin, mais parfois il semble même reculer. 1h de descente sur tous les styles de pierriers et le refuge a à peine grandi … J’y arrive vers 17h30, après une grosse journée qui m’a bien cabossé.
Au refuge, deux bonnes nouvelles : il reste des places pour dîner et il y a des morceaux de confit de canard dans la soupe de lentilles.
Une mauvaise : le spot de bivouac est une bonne grosse vieille dalle en ciment. Les seuls spots herbeux sont sous la barrage et donc interdits.
Et malgré le sourire et la voix douce de la gardienne me montrant cette dalle, ça ne la rend pas plus confortable. Monter la tente ( pas du tout autoportante ) devient un véritable casse-tête, un minutieux équilibre à trouver entre sardines, pierres, trous, cordelettes. Comme pour un château de cartes, tout sera à recommencer au moindre geste brusque et j’ai laissé pas mal de patience dans les montées et descentes de la journée.
Je sens une nuit atroce.
Dîner avec deux Toulousains qui montent grimper le Spigeolle le lendemain. Le refuge regorge de photos d’époque et de BDs. Je choisis le Retour à la Terre de Larcenet, qui comme d’hab met une petite patate au mental, le tout dans une poésie cruelle.
Grâce à la bienveillance des gardiennes du refuge, je récupère deux couches supplémentaires de tapis de sol ( bon certes qui foutront la tente en l’air quand je les insérerai mais bon … je les aime déjà ).
Parce qu’un Tapis de sol accordéon, c’est déjà la PIRE IDÉE DU PROJET sur une pelouse confort, mais sur du béton, ça devient vraiment une punition.
Finalement et contre toute attente, la nuit sera extrêmement reposante. Dodo dans une tente qui tient debout à 21h25.

04/08/2020 – Refuge du Portillon => cabane de Prat Cazeneuve
Jour 27: “La marche ne consiste pas à gagner du temps, mais à le perdre avec élégance” – David LeBreton.
Point culminant : col des Gourgs Blancs (2 877 m)
Distance : 13 km
Temps : ~5h30
Réveil très tôt, ma tente servant de couverture vu que la moitié des attaches ont dû sauter vers 21h26. Je pense pas avoir envisagé une seule seconde de sortir rebâtir tout ça. Y’a des combats qu’on peut pas gagner. Ou qu’on a déjà la flemme d’envisager.
Petit dej au refuge, face au lac. En piste pour attaquer une section où il faut rester concentré, le passage du col des Gourgs Blancs.
Ça commence par la montée sur la crête entre le lac du Portillon et le lac glacé d’Oô, jusqu’à un ancien pluviomètre. Face à moi, les remparts imposants allant du Perdiguère jusqu’au Pic des Gourgs Blancs. Le Spigeolles est magnifique.
A ma droite, l’apic vers le lac glacé d’Oô est impressionnant. Ce lac est très très bôô.

Seul passage accessible au milieu de ce rempart, le col des Gourgs Blancs. Pour y accéder je devrais traverser deux gros névés. Le reste, c’est juste du caillou, diamètre moyen, pas forcément stable.
Le milieu du premier névé se transforme petit à petit en lac turquoise et émeraude, avec sa petite île flottante centrale, qui contraste avec le bleu nuit profond du lac glacé d’Oô.
Le pierrier est de plus en plus instable, irrégulier et pénible. Au-dessus de moi, des randonneurs progressent, eux aussi péniblement, vers le pic des Gourgs Blancs, provoquant des coulées de pierres à chaque pas. Ça donne vraiment pas envie. Ils ont un peu l’air dans la merde.
Une fois au col, la longue descente de l’ancien glacier des Gourgs Blancs apparaît et je vois, au loin, un lac qui promet un bon rafraîchissement.

Il y a un siècle, cette zone était un glacier et un grand réservoir d’eau pour les régions ariégeoises. De nos jours, il reste juste la trace encaissée d’un glacier, des cannelures, des roches polies et du sable, beaucoup de sable même. Ça, à remonter, ça doit être vraiment fatigant.
La baignade au lac supérieur est un pur délice. Ni trop chaud, ni trop froid, ni trop tiède. Je sèche vite, les yeux rivés sur une marmotte qui prend plaisir à renifler quelques fleurs.
Deux lacs plus bas, j’arrive sur la partie extraordinaire de cette section. J’avais comme option de descendre au refuge de la Soula, pour me ravitailler, mais j’ai suffisamment de stock et peut m’en affranchir. Je vais pouvoir prendre un sentier en balcon qui va m’éviter une descente et une remontée.

Un des randonneurs Aveyronnais croisé m’avait prévenu : « De toute façon, si tu traverses pas une baraque, t’es pas sur le bon chemin. »
Et effectivement, le sentier se sépare et sur le flanc gauche du vallon, se trouve une petite maisonnette traversée de part en part par le sentier.
Un peu avant ce baraquement, une porte ouverte mène vers un immense tunnel creusé dans la roche, avec une énorme canalisation qui s’étend à perte de vue. Je peux entendre l’eau circuler. J’apprendrai le lendemain, que dans cette canalisation, l’eau est pompée du bas vers le haut, depuis le lac de Pouchergues jusqu’au lac de Caillauas, pour être ensuite dispersée dans la plaine gersoise et toulousaine.
Je traverse donc ce petit édifice, et me retrouve sur un sentier creusé dans la roche, style le sentier de la Matûre, une passerelle construite avec des morceaux de bois, des vestiges d’installations de monte charges … la vue latérale en drone donne un peu l’air d’un vieux jeu vidéo 2D, où vaut quand même mieux pas se tromper de bouton.
Je pensais bivouaquer au bord du lac de Pouchergues, sauf que je constate qu’il est hyper encaissé et que ça va être très difficile de poser une tente.
Du coup, je pousse un petit peu plus vers la cabane de Prat Cazeneuve.
Cette cabane est très mignonne, séparée en deux, une partie privée pour la bergère en bas et une partie publique pour nous, réfectoire en bas et dortoir en haut. Sans cesse durant l’été, elle doit partager son refuge. Et ça doit pas être simple tous les jours … Ça forge le caractère.
Ses chiens sont beaucoup trop mignons, mais étant jeunes travailleurs, il faut qu’ils comprennent bien la différence entre le temps de travail et de repos, et l’heure n’est pas au câlin …
Lessive, soupe-semoule et dodo dans les ronflements ( j’ai sûrement dû y participer )

06/08/2020 – cabane de Prat Cazeneuve => Urdiceto
Jour 28: “La liberté est un oiseau sauvage que l’on ne peut apprivoiser sans amour.” – Youri Domenge.
Point culminant : Lac d’Urdiceto (2377 m)
Distance : 16.1km
Temps : ~7h
Réveil et petit déjeuner très calme.
Je discute avec la bergère sur son quotidien, sa gestion des ressources, des chiens, du bétail, son rythme et ses allers et retours dans la vallée, son rapport à la solitude. Extrêmement intéressante.
Elle m’apprend qu’un couple de gypaètes niche sur les falaises avoisinantes, ce qui me dissuade de sortir le drône, le bruit pouvant les déranger.
J’aurais un petit sourire, en voyant un hélico passer en rase-mottes à fond la caisse, dans ce vallon, pour déposer des agents qui viennent entretenir les canalisations et contrôler le niveau des lacs. C’est eux qui m’expliqueront l’irrigation des vallées et la gestion des lâchers d’eau.
Peu après le départ, je suis doublé par un jeune Allemand qui torche la HRP en léger en une vingtaine de jours. Marcel.
Je le vois ralentir le pas, et me laisser le doubler peu avant un troupeau. Il tient à ce que je sois le premier à passer proche des brebis, craignant des remarques du patou. Il en a très peur. Moi qui croyait que les Allemands étaient spécialistes en communication canine …
On finit par traverser et il me redépasse rapidement.

La journée va bientôt repasser en Espagne. La montée à gauche, en fin de ce cirque, est abrupte, longue, atroce … Vraiment, celle-là, elle fait partie des montées que j’ai pas du tout aimées.
Le soleil tape fort et la descente me paraît encore pire car toutes les roches sont branlantes. Je sais vraiment pas dans quel sens j’aurais préféré arriver en haut. S’ensuit une longue descente toute douce dans une vallée qui nous amène au refuge de Macha, pour une bière et un déjeuner bien mérités, avec Marcel en featuring.
Les prochains kilomètres jusqu’à l’entrée vers la zone de Gavarnie vont être majoritairement de la piste.
2h de montée plus tard, dans une vaste vallée sans signe distinctif précis, fin de l’étape, encore en compagnie de Marcel l’Allemand.

On est content de poser le sac, car c’était long. Le lac d’Urdiceto nous permet de nous rafraîchir et de rejoindre deux randonneurs, dont Jasmine et sa femelle boxer, ses protège-patounes et son harnais porte-croquettes.
Le coucher du soleil rosit les parois du massif de la Maladeta au loin et les plis géologiques forment des vagues abstraites et sublimes. On se retrouve à partager un dîner à 4, nos itinéraires, nos expériences, du rire et du vin ! Le tout annonce une soirée douce et paisible.
Les 3 guardia civils en perm’ qui débarquent à la tombée de la nuit avec leur enceinte Bluetooth, le son à balle, ont d’autres projets. En 3 mn montre en main, sans même se concerter, chacun de nous 4, qui avions pourtant pris nos quartiers dans le refuge, nous éparpillons aux abords du lac avec nos tentes, et le traditionnel silence apprécié en montagne.
Le lever de lune magnifique nous éclaire le chemin du bain de minuit.

07/08/2020 – Urdiceto => Lac de Barroude
Jour 29: “Le soleil couchant est un artiste de génie.” – Dominique Rolin.
Point culminant : Port de Barroude (2 534 m)
Distance : 19.1km
Temps : ~8h
Au programme du jour, beaucoup d’heures de marche sur une étape qui s’annonce monotone et désagréable.
Au menu : 8 km de piste, 4 km de bitume, avant d’arriver dans la vallée de Parzan.
Du coup, la mise en route est difficile et je privilégie le combo café-baignade dans le lac.
Comme prévu, la descente est affreuse. Je croise des randonneurs peu chargés qui montent, je me demande où ils peuvent aller …
Par contre, comme pas du tout prévu, la piste fait chauffer les pieds à en choper des ampoules. Je pensais que ma peau, depuis le temps, en serait dispensée mais non … Bon après, les chaussettes techniques ont perdu autant de gras du bide que moi. Ça y a peut-être joué.
Une fois arrivé à Parzan, le ravito rajoute 1km dans le sens opposé sur les bords de l’A-138. On adore. J’ai quasi fini les provisions de Baqueira.
L’habitant chez qui j’ai laissé mon sac pour partir plus léger chercher le ravito, monte très bientôt vers le tunnel de Bielsa. Il me propose de m’éviter les 4 kms de route. Aucun sentiment de triche dans mon esprit, surtout en constatant l’espace laissé aux marcheurs le long de cette route, et m’en étant déjà cogné 2km … J’accepte sa proposition et il me conduit au début de la vallée suivante.

Premier objectif, le refuge au fond de cette vallée. Celle-ci me fait penser un peu à Gavarnie, elle est assez large et finit en cirque impressionnant qui semble piéger les marcheurs.
Au fond à droite, une montée et un col permettent de passer de l’autre côté, vers les lacs de Barroude, côté Français ou peut-être le refuge de Barrosa.
L’effort est lent, difficile, long et heureusement que la vallée regorge d’isards et de rapaces pour faire des pauses contemplatives. Cette montée me coûte. Vraiment.
Au col, le lac de Barroude est une pure pépite, une douve posée à côté des immenses remparts de la Mounia. Impossible de ne pas y bivouaquer.
Le tout s’embrase lorsque le soleil se couche. Une énorme muraille rose fluo. J’aimerais que les photos puissent en rendre l’intensité.
Je contemple ça, depuis le trône de Pierre, en mangeant une énième semoule soupe.
Juste une moustiquaire ce soir là, je m’endors face aux étoiles.

08/08/2020 – Lac de Barroude => Gavarnie
Jour 30: “C’est une montagne et une muraille tout à la fois / C’est l’édifice le plus mystérieux des architectes / C’est le colosseum de la nature / C’est Gavarnie.” – Victor Hugo, Dieu.
Point culminant : Hourquettes d’Héas (2 608 m)
Distance : 17,2km
Temps : ~6h30
Arrivée mi-août à Gavarnie, c’est pas forcément la meilleure période pour en profiter pleinement.
Entre le salon du camping-car garé en haut au village, et le monde partout, ça va contraster avec le calme et le peu de personnes rencontrées ces derniers jours.
Le lever du soleil au lac de Barroude est tout aussi grandiose que le coucher. Le vent fort se calme et devient inexistant, l’eau forme un miroir juste parfait. Je scotche dessus longuement.

Le sentier part en balcon contournant la Mounia, et me mène gentiment vers la hourquette d’Héas. Il frôle des falaises de plus de six cents mètres, ce qui ravive l’envie de mettre les chaussons d’escalade. ( les pieds eux sont pas hyper pour, là de suite).
Après une matinée d’efforts, j’arrive enfin à la hourquette et la vue se dégage. Je pose mon sac, je m’assois, je respire. Ça y est, je me sens un peu comme à la maison. Devant moi, Le Vignemale, toute la chaîne du Marboré et la brèche de Roland. Le chapitre inconnu de la traversée se clôt, le reste étant déjà quasi tout exploré.
Une sensation assez indescriptible me traverse, un genre de première fin, de chapitre achevé, d’objectif atteint.

Je descends vers le cirque de Troumouse, les pieds de plus en plus chauds, en direction d’un bon déjeuner, et d’un break mérité chez Gilles, mon ami rencontré au Mont Perdu l’année précédente, et en saison à Gèdre.
En bas de Troumouse, une fois de plus, l’hospitalité des gardiens de refuge me réconforte. Arrivé tard à l’auberge de la Munia, j’entends que le service du déjeuner est fini.
Et c’est extrêmement dommage car j’y comptais fort, et que j’ai dû le rater pour pas grand chose …. Je sais pas si c’est mon air fatigué ou misérable, mais la gardienne m’accueille avec un sourire et revient me proposer une omelette bien copieuse.
Dans cette attention et cette justification ( elle m’a dit qu’elle gardait toujours un peu pour les randonneurs) , je retrouve l’esprit des montagnards et la reconnaissance de l’effort.
Ça dédramatise ma replongée dans une zone sur-touristique. Elle a un talent certain pour l’omelette.
Donc petite pause à Gavarnie, la moitié du chemin dépassée.
L’idée des 2 jours de repos est de prendre un VRAI jour de repos.
Bon, au final dès le lendemain matin, on ira faire un petit tour vers la cascade de Gavarnie, au lever du soleil, par le plateau de Bellevue, avant son flot de touristes.
Toujours aussi grandiose cette balade. Quelle chance d’avoir cet endroit si proche …

Mes rencontres vont ensuite changer le menu. L’aprem orientée sieste et lecture va se transformer en escalade et le repos du lendemain, en grandes voies sur la dalle du Maillet. Quand on a les pieds flingués, on est tellement bien sur une dalle, en chaussons. La voie des Tontons Coinceurs est canon.
Bon, il se pourrait que je commande mes pizzas par deux en bas de chez Gilles …
Je pense avoir déjà perdu bien 5kgs et le sac appuie de plus en plus sur les hanches, alors la doublette de pizzas, c’est pas de la gourmandise, c’est de la stratégie.
Le ciel s’assombrit pour les prochains jours et un orage très électrique va venir fendre le ciel en direction de la Brèche de Roland. Magique.

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