21/07/2020 – Cabane de Cortal Rosso => Cabane de Siscaro
Jour 13 : « Quand la mer est de nuages, les montagnes sont des îles. » – Sylvain Tesson
Point culminant : Pla de les Vaques (2570m)
Distance : 23 km
Temps : ~7h
Et voila donc maintenant un département traversé …. pourquoi pas augmenter le challenge et traverser un pays !
Ça tombe bien, entrée en Andorre depuis le col de Puymorens. Direction le Pas de la Case, pour le ravito des prochains jours.
L’idée était de se lever tôt pour prendre le petit dej’ au Pas de la Case justement, où, comme d’hab dans ces zones frontalières, c’est full restaurant, marchand de clopes, hypermarchés et parfumerie, encore une Duty Free à ciel ouvert.
Sauf que, j’ai pas entendu le réveil et à la place de la jolie mélodie de réveil, j’ai droit a un énorme VLAAAAAM venant de la porte. Comme si quelqu’un, courant pour sa vie, venait s’y réfugier, les groles en avant …
Un berger, membre de la police environnementale, passé par là, voulait délicatement inspecter la cabane, et voir si tout était dans l’ordre. Je ne comprends pas le concept d’ordre ou de désordre dans un lieu pareil. L’avantage pour lui, c’est que ça prend pas longtemps, l’inconvénient pour moi, c’est qu’il a pas pris longtemps non plus pour ouvrir entièrement la porte. Je vais peut-être marcher un peu plus vite, allégé d’un dixième d’audition à chaque oreille.
Ébloui, j’ai même pas eu le temps de voir son visage ,qu’il me souhaitait déjà bonne journée et reprenait sa route.
Je me mets en route, un peu en vrac, à jeun, et finis par suivre un mauvais sentier. Je me retrouve à flanc de montagne, bien au-dessus du squat à vaches que j’aurais dû pouvoir « visiter ». Le vent amène à mes narines le petit fumé de purin. Il aurait fallu 4 boules quies pour dormir par là, au moins 2 par narine.
Je perds énormément de temps, il n’y a plus de sentier et la descente tout droit pour le récupérer est bien trop raide. Il faut encore continuer un bon kilomètre au milieu des hautes herbes sur cette pente à quasi 45°.
J’aperçois, au loin, les couleurs des diverses enseignes et je retrouve le bruit du cortège de voitures. Les vendeurs de clopes, de picole, de pipas, de chorizo et de parfums sont partis pour une bonne journée !
Ravito au Pas de la Case. Je refais le stock de fruits, et craque pour un kebab, dans un canapé confortable, l’appel du tout cuit et du confort est trop fort suite à cette nuit… Je récupère une nouvelle bouteille de gaz, car la prochaine sur mon chemin sera vers Gavarnie et qu’on sera deux pour quelques jours.

La météo pour les jours à venir est prévue comme hier, c’est-à-dire incertaine.
Une fois sorti de la ville, traversée avec un sac PLEIN et un masque sur le visage … je me pose au niveau de la première crête, pour regarder les vallons autour. Effectivement, le temps est incertain. Une vallée est sombre, grise et inhospitalière, une autre un peu plus loin est illuminée et attrayante, et je dois me diriger vers celle du milieu. Reste à savoir de laquelle des deux autres elle va s’inspirer.
En fait, j’ai l’impression d’être un tout petit point sur une énorme digue où viennent s’écraser les vagues, faisant jaillir des gerbes d’écume, et me retrouver finalement sous les embruns. Un peu comme une balade sur la digue de Socoa un jour de grosse mer, mais taille XXXL.
La mer de nuages venant d’Espagne poussée plein Nord se déchire sur la roche et éclabousse la crête d’épais nuages qui occultent le soleil. Je comprends mieux les contrastes entre les vallées.
Les chemins étant balisés (rouge et jaune), je range le GPS et suis le chemin. L’orage pète fort à l’est, mais l’ouest reste assez ouvert, et j’avance vite. Voire même un peu trop vite et un peu trop loin, je me rends compte sur la crête, que je devrais être dans la vallée d’en dessous, parce que le toit vachement plus bas, c’est le toit de la cabane du soir … et donc j’ai raté la descente depuis le col …
Deux fois dans la même journée, rien de grave, c’est bon pour les stats !
Je rebrousse donc chemin, pour la bonne descente et passe à côté de l’Estany de Siscaro … La chaleur et la couleur du lac, appellent fort à la baignade. Quelques brasses et un peu de fraîcheur feront le plus grand bien, au moral et aux muscles.
Pendant ma lessive à la cabane, un petit point apparaît dans la descente puis finit par m’y rejoindre. Retrouvailles avec Laure qui constate et me fait constater que j’ai déjà maigri. J’ai déjà constaté aussi que les sangles ventrales du sac sont serrées au max et commencent à appuyer sur les os du bassin, qu’est ce que ça sera dans trois semaines, quand je serai dans les collines basques … On croise pas souvent de miroir en montagne et c’est difficile de se rendre compte de ça ( et de la barbe ).
Elle m’a convoyé le drône et un petit ravito.
Nuit et dîner confortables au refuge de Siscaro, où une partie de la prairie se transforme en miroir, après quelques petites averses.

22/07/2020 – Cabane de Siscaro – Borda Del Sorteny
Jour 14 : « La folie n’est plus folle, dès qu’elle est collective. » – La Horde du Contrevent – Alain Damasio.
Point culminant : Tosa de Siscaro (2812m)
Distance : 19,5 km
Temps : ~8h
Après une grosse nuit et un bon petit déjeuner frugal, le topo d’aujourd’hui annonce une descente vers le village d’Inclès où nous pouvons découvrir l’architecture Andorrane. Tout est très propre et aéré, des jolies maisons en pierre grise avec des toits d’ardoise noire. C’est bizarre de devoir traverser ces villages vides avec le masque mais finalement, ça participe au côté pur et intact du coin.
Montée vers l’Estanyo del Querol, un lac très encaissé avec une cascade à son déversoir, très mignon. Première alerte grosse ampoule pour Laure, qui encaisse ça sans sourciller.
C’est fou comme se tromper de sentier, passer à droite d’un pic plutôt qu’à gauche, peut vous amener au même point par des trajets diamétralement opposés en profil de dénivelé …
Initialement, on aurait dû contourner un pic et monter crescendo vers la crête par derrière, mais on se retrouve à attaquer un flanc abrupt ( énervé même) et plus direct, qui se finit en couloir puis en cheminée.
Bon là déjà, on aurait pu se poser la question de « est ce que c’était le bon chemin? « . Le vent s’engouffrant est violent et demande de la concentration, car la chute va être longue et pour le moins désagréable. C’est pas la meilleure des idées, mais ça finit par passer.
C’est le juste milieu entre avoir le tarin collé sur le GPS et y aller au feeling … Ici serait le moment idéal, pour un placement produit pour une montre connectée avec trace GPS.
Arrivés au sommet, face à nous, une immense cuvette avec une looooongue descente et une looooongue remontée … Le prochain col à passer apparaît pile en face, tout petit, au loin.
L’avantage quand on a le temps, qu’on sait pas trop où on va ( et qu’on a la mémoire courte, au vu de l’erreur sur la montée précédente), c’est qu’on a bien le choix du chemin à emprunter. Et donc le choix d’avoir des idées foireuses.
Pourquoi monter pour descendre, alors qu’on peut rester à la même altitude et juste rejoindre l’autre bout en faisant le tour de cette espèce de caldera qui nous fait face ?
Je repense à la Horde du Contrevent, me vois tel Golgoth le Traceur, imiter leur itinéraire <ATTENTION SPOIL>quand il contournent le volcan de glace </ATTENTION SPOIL> et ça me semble une très bonne idée.
C’est vraiment la lecture idéale pour ce genre de périple, un récit de marche, face au vent, plein d’épisodes différents, de choix à faire … Je conseille vivement.

Deux heures plus tard ( bon en vrai, déjà au bout d’une demi-heure), c’est officiellement une idée de merde, la progression est pénible, enchainement de pierriers, de chemins complètement pas plats, de vires trop hautes, de vires sans issues, on se retrouve paumés, en compagnie de 4 vaches, qui ont l’air encore plus paumées, que nous, et que d’habitude, dans leur vie en général.
Mais on avance, faut juste évaluer, de loin, les endroits où passer entre les patchs d’herbes, et les grosses cassures de roche.
Ce qui aurait dû prendre 6h, en prendra 9h et va laisser des traces dans le corps. On arrive finalement au col tant espéré, avec une grosse envie d’en finir ( avec la journée de rando hein ) …
Il reste une longue descente à travers des pâturages fleuris, qui nous mène au refuge de Borda Del Sorteny, où nous arrivons quand même bien défoncés. Ça donne à Laure une idée de mes journées, et le poids nous contraint à pas forcément avoir le même rythme. Même si le cadre est beau, parfois les erreurs d’itinéraire et la fatigue peuvent atteindre un peu moralement.
Côté refuge et literie, c’est le maxi contraste entre ce soir-là et la cabane finale des Pyrénées Orientales. En deux soirs, je passe de -50 à 5 étoiles.
Petit débriefing de cette longue journée avec un gros sandwich et une grosse pinte qui revigorent. On apprend qu’on ne peut pas camper à proximité car c’est interdit dans cette partie de l’Andorre. Heureusement pour nous, juste en dessous ( au rez de chaussée même ), se situe la partie non gardée du refuge, où nous pouvons nous poser, « enfin, si ça nous convient ».
Lits superposés, matelas confortables, tables, chauffages et l’eau chaude au robinet !!! Aucune trace de jacuzzi ni de salon de massage mais bon … ça nous conviendra quand même …
On remplit quelques bouteilles et c’est parti pour une douche de fin de journée bien méritée dehors, le bonheur.

23/07/2020 – Borda Del Sorteny => Refuge de Pla del Estany
Jour 15 : « En fuyant la pluie, on rencontre la grêle » – Proverbe Turc.
Point culminant : Pic del Estanyo (2907m)
Distance : 17,9 km
Temps : ~6h30
A savoir, l’Andorre est un pays où le réseau français ne capte pas souvent, et quand on capte un réseau andorran, il met une sacré patate de hors forfait. Ne le sachant pas, ça envoie des photos, ça donne des news, ça publie sur Insta. Et ça prend son gros 50€ de hors forfait …
Bon, au moins, on a une idée précise de la météo pour les jours à venir. Changement de programme : le passage par l’Ariège et la remontée vers la France paraît beaucoup trop humide, orageuse et bouchée.
Réveil et départ le long de la nationale. Petit déjeuner copieux dans un resort 5 étoiles devant la carte IGN afin de revoir l’itinéraire. On décide de rester côté Andorran : direction le refuge du Plan de l’Estany.
Ça commence par remonter la vallée de Langonella et sa longue cascade toute douce. Deux étangs se succèdent et on finit par dominer ce massif depuis le Port d’Arinsal. On passe par la forêt, puis un peu de basse végétation puis full caillasse.
J’ai confirmation qu’un drone vole moins bien dans un arbre.
La journée est fraîche et grise, pas mal de vent et des énormes tas de pierres à gravir et contourner.
Après moultes consultations de carte, de GPS, et du tracé, on se dit que quitter de nouveau le tracé initial semble un bon moyen de ne pas descendre inutilement, pour ensuite remonter au prochain refuge.
En tout cas, ça se tente, et pour le coup, ça sera une bonne idée, ça remonte les stats. Alors on teste la crête et les nuages se rapprochent de nous. Je propose à Laure le bivouac sur un petit replat herbeux, et elle aura la très bonne idée d’opter pour marcher un peu plus et rejoindre le refuge.
L’arrivée au refuge est magnifique. En plein milieu d’un cirque, se trouve cet immense pré tout plat, jonché d’imposants rochers, décrochés des falaises le dominant.
Un groupe de chevaux nous accueille et le petit dernier, extrêmement joueur et mignon, tient absolument à nous servir de guide pour la visite de l’intérieur du refuge. Je pose mon sac sur un des lits et ressort, pour voir Laure et le poulain, joue contre joue se faire un énorme câlin.

Après avoir pas mal galéré à allumer un feu à l’intérieur du refuge, et d’avoir bien gazé la pièce principale, on se pose pour l’apéro dehors, autour du nouveau feu, mieux géré.
Au bout de quelques minutes, les chevaux s’agitent et partent s’abriter, le temps se couvre et le vent se lève. L’orage est imminent et s’annonce épais, tant les nuages sont foncés.
Sortis de nulle part, deux Allemands apparaissent en haut de la pente la plus abrupte qui nous surplombe. Ils descendent du mieux qu’ils peuvent et rejoignent le refuge à quelques secondes d’une des plus grosses averses de grêle que j’ai pu voir.
Eux qui avaient prévu de dormir en hamac, se calent dans le refuge avec nous. De toute façon, le premier arbre doit être à une bonne demi-heure de marche.
En 2mn31s chrono en main, la vallée où nous sommes est passée de verte à blanche, avec des grêlons parfois de la taille d’une olive. Une olive de taille standard, genre olive pas gigantesque mais pas petite olive non plus. Notre feu se fait ensevelir sous la glace et il ne reste juste qu’un filet de fumée qui s’échappe de la couverture blanche. L’auge extérieure est perlée de glaçons. Je me demande vraiment comment la tente aurait encaissé tout ça. Mal, c’est sûr, mais à quel point ?
Le soleil se couche, les nuages se dispersent, Laure débriefe avec Morphée et j’en profite pour une balade nocturne et une séance photo.
Le corps commence gentiment à tirer un peu, quelques signes d’usure au niveau des articulations, mais il commence à avoir l’habitude des 15/20 bornes par jour et en redemande.
En tout cas, le repos, c’est pas pour tout de suite.

24/07/2020 – Pla del Estany => Baborte
Jour 16 : « Les myrtilles sont des grelots que rend muets la peur d’être dévorés. » – Sylvain Tesson.
Point culminant : Estanys Fourcats (2630m)
Distance : 21,9 km
Temps : ~7h
Grasse mat’ jusqu’à 8h !! Pour une fois, un lever de soleil raté, mais ça fait du bien de s’envoyer une énorme nuit. On met du temps à se mettre en route ce matin, mais il y a plein de marmottes qui jouent à 30m de là et ça fait scotcher avec un gros café.
Un oiseau est allègrement venu taper dans le poivron rouge que les Allemands avaient laissé sur la fenêtre, dentelé de coups de becs.
Le temps s’est considérablement amélioré et la température monte vite, la pente aussi.
On aperçoit un renard au loin, furtif, passant en dessous de la cascade que nous devons traverser. Les parties à l’ombre gardent encore quelques grêlons de la veille, et on peut voir plein d’empreintes d’animaux ( renards, isards, oiseaux … ).

Un peu plus tard, c’est le premier névé de la traversée que nous devons franchir, au niveau des Estanys Fourcats. Peu fréquentés apparemment, car on doit faire la trace sur les névés. A part cette neige, tout autour de nous est un pierrier géant, hyper impressionnant, surtout par la taille des rochers. Si on prend une Panda 4×4 comme échelle, je pense que certains rochers font bien une vingtaine d’unités.

La descente suivant des marques blanches et rouges, nous amène vers le magnifique Estanys de Baiau, et sa palette de bleu. Un air calédonien, des berges turquoises et tièdes, et un cœur bleu nuit intense qui souligne bien la fraîcheur et la profondeur.
Une sublime invitation à un bain pré-déjeuner. Puis une descente tout aussi sublime, par des longs plateaux, où coule le Riu del Baiau et où les rochers sont très propices à faire du bloc.
On revient petit à petit dans une zone forestière, des noisetiers, des chênes et des hêtres, le chant des oiseaux revient. Le soleil plombe copieusement et l’ombre fait du bien !
On croise un groupe de militaires qui partent en bivouac sans trop savoir où, et le dernier, en plus de son immense paquetage, porte un crâne de boeuf. Il le fait sans trop savoir pourquoi ( enfin si … , les autres lui ont dit qu’il ne le ferait pas … ). Ils respirent l’arrache et la bonne humeur.
On accélère un peu, car le refuge de Baborte est encore loin, et le dénivelé restant encore solide.
La dernière montée est looooongue et les nuages gris se rapprochent et menacent encore une fois. Ça serait bien d’être rendus au refuge, surtout si la petite sœur de l’orage d’hier décide de nous rendre visite ce soir, encore plus si c’est la grande.
Arrivés sur un plateau où nous pensions voir le refuge, on découvre à la place un petit champ de myrtilliers, et son vortex temporel. 30mn plus tard, toujours le sac sur le dos et les lèvres bleues, il est temps de repartir avec un bon demi kilo emporté pour le goûter. Je crois que j’ai pas fait une seule cueillette sans mon sac sur le dos …

Arrivée au refuge de Baborte, qui domine le lac du même nom. Ce refuge me fait penser aux capsules de Dragon Ball, posé au milieu de ce cirque si beau et si calme!
Venir dormir en hiver ici doit être une expérience dingue.
Accueillis par un couple de Catalans et un énorme câlin de leur patou, on partage l’apéro et les avis sur la beauté de la zone. Ils nous conseillent vivement la vallée voisine de Broate, qui selon eux est encore plus belle que celle ci.
Mais ce sera pour une prochaine fois, car il faudrait repartir en arrière. Ça sera sur le chemin d’une autre aventure.
Une petite douche à la rivière au milieu d’un millier de grenouilles, quelques myrtilles et dodo confortable sur les couchages de la capsule spatiale.
25/07/2020 – Baborte => Certascan
Jour 17 : « Pendant la canicule, nombre de personnes s’écrient: «C’est effrayant, il y a 35° à l’ombre.» Mais qui les oblige à rester à l’ombre? » – Pierre Dac.
Point culminant : Pic de Baborte (2934m)
Distance : 17,8 km
Temps : ~7h45
Une étape IN TER MI NABLE.
Il y a des jours où on a moins envie que d’autres et ce jour-là, bien moins envie que d’habitude. Ce cadre se prête à une journée de détente, baignade et lecture. J’ai la tête tellement bouffie et des cernes tellement grosses que je pourrais ranger la moitié de mon duvet dedans. Mais il faut avancer …
Montée courte au col de Saliente, et descente en forêt vers le Pla de Boavi qui sert de zone avancée et très class, pour tous les amateurs de pique nique de la vallée.
Quelques isards nous saluent, et on entend une grosse cascade se cacher parmi la fraîche forêt que nous descendons. Vouloir aller la prendre en photo est une bonne idée foireuse, car beaucoup d’efforts inutiles pour aucun point de vue valable.
Deux options pour monter en face, à Certasca : une piste longue et sinueuse mais peu abrupte, ou un sentier plutôt droit mais violent en termes de dénivelé.
Après avoir pas mal galéré à trouver le début du sentier, ce qui nous a fait perdre une bonne heure, il faut y aller. Peu de panneaux, et une gestion chaotique du GPS.
La montée sera atrocement longue, sous un soleil de plomb, une végétation basse ne procurant que peu d’ombre. Le repas du midi est plutôt absent… On va pas se mentir, on en chie un peu. Heureusement, la puissante cascade finale vaut le coup d’œil.
Le réconfort viendra par un enlevage de chaussures et un énorme plat de bouffe commandé, juste le temps de poser le sac près du refuge.
Celui-ci se trouve au-dessus de la cascade et sous le lac du même nom, dans un petit vallon tout étroit et tout mignon.
Nous rencontrons pas mal de gens qui font la traversée dans l’autre sens à un rythme plus ou moins rapide.
Moi qui estime déjà aller très voire trop vite par rapport à l’aspect contemplatif photo, je suis impressionné par un gars, la soixantaine passée, qui enchaîne deux étapes par jour. Il a quitté Hendaye y’a 20 jours à peine et devrait être à Banyuls dans 8 jours. Bon, du coup, il a une autre gestion de son paquetage, mais chapeau ! sacrément vaillant !
Il me rassure sur le passage des Gourgs Blancs et la Literole, je ne devrais pas avoir trop de neige.
Nous partageons le repas du soir tous ensemble et je pense qu’on dort avant qu’il fasse nuit noire, le tout agrémenté par une douche chaude au refuge.
La vue sur cet immense lac est douce et paisible.

26/07/2020 – Certascan – Refuge Josep Maria Montfort
Jour 18 : « La solitude est le nid des pensées. » – Proverbe kurde.
Point culminant : Col de Certascan (2605m)
Distance : 12,8 km
Temps : ~5h30
Dernier petit déjeuner partagé avec Laure, elle va s’en retourner vers l’Ariège par le Nord et moi continuer vers l’Ouest pour attaquer la partie haute montagne.
Je me rends compte, et je m’en rendrai compte encore plus avec du recul, que c’est une expérience délicate à partager, surtout une fois prise en cours de route. J’y ai mis une dimension psychologique un peu trop grande peut-être, ou une évasion face à un quotidien exceptionnellement troublant. C’est difficile encore de mettre des mots juste dessus. Je sais que j’aurais pu faire mieux. Il faut trouver un bon équilibre au vu du rythme physique et des attentes, du trajet aléatoire, des objectifs de prise de photo, de l’organisation, de la gestion de l’effort et des émotions. La fatigue et ce sentiment d’extrême liberté exacerbent le ressenti. Avec le recul, et paradoxalement, j’aurais dû emmener dans mon sac à dos un peu plus de légèreté.
Merci pour ces bons moments, on se revoit en vallée d’Aspe.
Réveil donc le long du lac de Certascan, suivi de traces blanches et rouges vers le col du même nom. La descente suit un chapelet de lacs et d’étangs, l’Estany Blau, l’Estany de Famisella, dans une vallée sublime, avec des courbes très douces, des clairières et des bois très harmonieux, qui serait très propice à la présence d’ours. En tout cas, perso, je serai un ours, je me poserai volontiers là.
Très tôt dans l’étape, j’apercevrai au loin le refuge où je compte dormir, scintillant, perché au milieu d’un cirque de pierres. C’est de nouveau une capsule argentée.
Le sentier dans cette portion est difficile à suivre, les cairns sont discrets et peu nombreux et l’idée de faire du tout droit est encore une fois la première, mais encore une fois pas la meilleure. Le sentier est du côté gauche du ruisseau et je suis du côté droit à faire de l’escalade aussi approximative qu’improvisée.
Le paysage est beau, je m’enfonce en fond de cirque, mais peu d’animaux, et peu de faits marquants. Une journée de chaleur et de solitude.
Je trouve un point de traversée du torrent et retrouve finalement le chemin qui me permet d’atteindre le refuge du Mont Roig. J’y arrive relativement tôt dans la journée, 14H30. Peu de vent et une chaleur étouffante dans cet endroit très minéral.
J’en profite donc pour m’envoyer une énorme sieste et recharger un petit peu les batteries, car les étapes précédentes m’ont un peu flingué.
Quelques photos au coucher d’un soleil très venteux, un plat de bouillie pâtes-soupe ( el classico ) et il est temps de repartir au lit pour un réveil aux aurores, je dois retrouver mon père demain, quelque part sur mon étape suivante.

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